Etre citoyen, on n’y croit pas et pourtant, ensemble, on peut peser sur les décisions

Une réunion-discussion a été organisée conjointement par le Cercle Condorcet de la Vienne et la Maison de la Culture et des Loisirs.

Elle a été introduite par les interventions de François HERVOUET Professeur émérite et doyen honoraire de l’Institut de Droit Public de Poitiers et de Gérard BARC, ancien élu local et militant associatif ; il est président de la Ligue de l’Enseignement de la Vienne.

Les conditions de vie des citoyens sont fréquemment modifiées par les décisions prises par les pouvoirs publics. L’impression de ne pas être représentés dans la prise de ces décisions, un sentiment d’impuissance sont répandus.

Les institutions sont contestées, leur réforme est attendue. Cela prend par exemple la forme de la demande d’instauration d’une  VIème République. Localement, la contestation du projet de ferme-usine de Coussay-les-Bois fournit un exemple d’action collective des citoyens à l’égard des décisions qui ne leur conviennent pas.

L’administré, le citoyen

Dans une vision classique, les habitants sont considérés comme des administrés. Les élus, légitimes par le suffrage universel, prennent les décisions selon leur façon de voir.

Les citoyens prennent davantage part à la vie de la collectivité.

En amont de la prise de décision, ils disposent de moyens de faire entendre leur point de vue, dans des commissions ou lors d’enquêtes préalables. Ils s’en saisissent peu et conservent le sentiment que les décisions sont prises sans réelles possibilités de donner son avis.

En aval, le droit offre quelques moyens pour empêcher la mise en œuvre d’une décision qui apparait mauvaise.

La médiation est une procédure relativement lourde à la disposition des citoyens par l’intermédiaire d’un député qui n’est pas nécessairement celui de la circonscription.

Toute décision administrative, de la plus petite commune à la présidence de la République, peut être contestée devant un juge administratif quant à sa régularité. Il se prononce sur l’application des règles de droit et non sur l’opportunité de la décision. Cette décision peut elle-même faire l’objet de recours (appel, cassation).

Le recours n’est pas suspensif. La décision est présumée régulière. On dit que la décision administrative bénéficie du privilège du préalable. On peut cependant faire un recours en référé pour demander la suspension de la décision. Il aura des chances d’aboutir son irrégularité est probable et que les conséquences de sa mise en œuvre seraient difficilement réparables.

L’élu local

Le maire a peu d’obligations d’information et de consultation des habitants au-delà de la publicité de ses arrêtés et des délibérations du conseil municipal. Investi par le suffrage universel, il peut cependant se considérer comme investi sans avoir reçu un chèque en blanc. C’est lui qui décide en dernier ressort mais il peut souhaiter associer la population à ses décisions.

Outre les moyens d’information classiques, le bulletin municipal, un site Internet, il peut organiser des réunions d’information et de consultation et surtout être accessible, à la disposition des habitants. Dans la pratique, peu de gens assistent aux réunions du conseil municipal, qui sont publiques, et les réunions portant sur des questions d’ordre général, sur les orientations de la politique municipale, en matière d’urbanisation ou d’éducation par exemple, attirent peu de monde. Les réunions thématiques avec les personnes directement concernées par un projet (les enseignants et les parents d’élève pour l’école, les associations pour une salle polyvalente, les habitants d’une rue…) sont plus fréquentées.

Les Conseils de Développement peuvent être des instances utiles.

Les Conseils de développement sont des instances de démocratie participative mises en place dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) de plus de 20 000 habitants (métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomérations, communauté de communes) ainsi que dans les pays et pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR). Constitués de citoyens bénévoles, de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, environnementaux et associatifs, ils permettent de faire émerger une parole collective, sur des questions d’intérêt commun et ainsi contribuer à enrichir la décision politique.

Le projet de ferme-usine de Coussay-les-Bois

Le choix du thème de cette réunion a été suscité par le projet de construction d’une ferme-usine comportant l’engraissement de 1 500 taurillons par an, des panneaux photovoltaïques, de la méthanisation et du compostage.

Malgré l’opposition des élus et d’habitants du territoire au motif principal du risque de pollution de la nappe alimentant le captage d’eau potable, des permis de construire ont été délivrés. Un recours a été introduit devant le Tribunal administratif.

Le projet séduit ses partisans et les services de l’Etat pour des raisons tenant à la fois au développement économique et à la production d’électricité.

Les opposants observent que les travaux n’ont pas commencé. Ils prévoient, lors de leur démarrage éventuel, un recours en référé et un blocage physique.

Une précédente mobilisation avait permis de s’opposer à l’implantation d’une carrière d’extraction de sable. L’approvisionnement du territoire en sable demeure aisé du fait de la présence de carrières à proximité.

Pour en savoir plus : www.collectifcoussay.fr

Le goût d’être citoyen

Comment (re)donner le goût d’être citoyen, de s’intéresser aux décisions qui sont prises ? Les mobilisations sur le territoire montrent que cela existe. Elles montrent également qu’il faut une organisation pour mobiliser les énergies.

Il faut tout d’abord dire que chacun est libre de s’impliquer ou non.

La mobilisation est plus aisée lorsque les problématiques abordées sont concrètes, pas trop généralistes, à durée déterminée. Elle est favorisée par le succès mais on voit que des personnes demeurent engagées même si les actions qu’elles mènent ne sont pas pleinement couronnées de succès. Le plaisir de contribuer et de faire ensemble sont plus répandus qu’on le croit souvent. On est citoyen par l’association.

Il est plus aisé de nous représenter que notre point de vue peut être entendu au niveau local qu’au niveau national.

La vie associative est en expansion mais ce sont les engagements ponctuels qui se développent alors que nombre d’associations ont du mal à trouver leurs responsables.

Même si elle n’est pas suffisante pour susciter l’engagement, la compréhension des problématiques est nécessaire. La proposition de connaissances validées sur les questions qui concernent les citoyens est utile. C’est le rôle de l’éducation populaire. On peut avoir le sentiment d’avoir pris du retard. L’exemple de la laïcité montre qu’à trop considérer des avancées sociétales comme acquises, on ne voit pas qu’elles peuvent être menacées et on en perd jusqu’à la véritable connaissance.

Les décideurs ont une responsabilité importante par l’espace qu’ils donnent à  l’engagement citoyen, la confiance qu’ils font aux jeunes, la place qu’ils leurs donnent pour participer à la vie de la collectivité.

Le regroupement de 80 000 habitants de 48 communes pose un nouveau défi, transposer à une échelle plus grande, et donc avec des méthodes nécessairement différentes, le succès de Conseil de Développement qui a été enregistré localement.

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