Café citoyen du 22 avril à Civray : SAVOIR ET CROIRE

Un collectif de Civray a organisé le 22 avril une Marche pour les Sciences dans le cadre du mouvement international initié aux Etats-Unis. Après la marche, l’animation d’un Café citoyen sur le thème « savoir et croire » avait été confiée au Cercle Condorcet de la Vienne.

La Marche pour les Sciences a été organisée pour :

  • Défendre la méthode scientifique face aux opinions et idéologies préconçues
  • Montrer le soutien citoyen à l’indépendance des recherches publiques
  • Renforcer le dialogue entre sciences et société et définir ensemble la place des sciences dans la société
  • Promouvoir la culture scientifique et les sciences participatives
  • Convaincre les politiques de mieux prendre en compte les résultats scientifiques dans leurs décisions

Des sentences apposées sur le dos des marcheurs donnaient à méditer sur l’importance pour la communauté humaine de la science et de la pensée. La déambulation dans les rues de Civray était ponctuée d’expériences de physiques amusantes et d’interventions d’un jeune comédien appelant à sourire sur les déclarations de certains responsables scientifiques ostensiblement en contradiction avec les acquis de la science.

Les deux intervenants du Café citoyen étaient :

  • Yannis DELMAS-RIGOUTSOS, maître de conférences en épistémologie – histoire des sciences et en informatique (Petites leçons d’épistémologie, comment penser la science ou et la connaissance – Editions Vuibert – 2009)
  • Patrice REMAUD, professeur agrégé de physique appliquée et docteur en histoire des sciences et des techniques

Galilée, Georges Lemaître, deux exemples emblématiques de l’évolution des relations entre sciences et religions dans le monde occidental

Chacun a en mémoire la déclaration – probablement apocryphe – de Galilée après son procès en 1633 « et pourtant elle tourne ». Il est accusé d’hérésie pour avoir montré que la terre tourne autour du soleil et contraint d’abjurer. L’enjeu est réel. En 1600, Giordano Bruno avait été brûlé vif pour avoir développé une théorie de l’héliocentrisme et posé l’hypothèse d’un univers en expansion.

Au  XIXème siècle, Charles Darwin révolutionnera la biologie par ses travaux sur la théorie de l’évolution et la sélection naturelle.

Alors que la société se sécularise progressivement, des scientifiques, religieux ou sans hostilité envers les religions, en arrivent par leurs découvertes à l’exigence de séparer science et religion. Ainsi Georges Lemaître, né à la fin du XIXème siècle mène parallèlement des carrières scientifique et religieuse ; il devient chanoine et président de l’Académie pontificale des Sciences. Edwin Hubble prouve en 1929 l’expansion de l’Univers. Georges Lemaître avait prédit deux ans plus tôt l’existence de ce que l’on appellera la Loi de Hubble.

La science, une description qui ne se satisfait pas de ses théories

Pour Jacques Lacan le réel c’est quand on se cogne : « Il n’y a pas d’autre définition du Réel que l’impossible… Quand on se cogne, le Réel c’est l’impossible à pénétrer ».

C’est à la fois ce que l’on éprouve et ce que l’on peut expérimenter.

La réalité s’impose par une expérience subjective et on la partage par les mots qui eux, imposent des visions de la réalité. Ces visions sont influencées par des courants de pensée qui empruntent à la science et à la croyance. L’allégorie de la caverne, de Platon, montre la difficulté d’accéder à la connaissance et la difficulté de la transmettre.

Comment passer de l’expérience personnelle à un savoir collectif, voire partagé dans la société ? Au Moyen-âge, le savoir se construisait par accumulation progressive, en s’appuyant sur la Tradition. Avec le recul du temps, on perçoit les croyances erronées qui nous semblent parfois ridicules.

Galilée, le philosophe Francis Bacon, à qui l’on doit la sentence « la vérité est la fille du temps, pas de l’autorité », et Isaac Newton  ont posé les bases du raisonnement scientifique. La science se caractérise par un paradigme (des lois que l’on prend pour vraies) et une méthode ; pour être confirmée, une expérience doit être reproductible

Des méthodes scientifiques en évolution

La méthode inductive consiste à réaliser un grand nombre d’observations pour en déduire des lois générales.

Elle se heurte à la difficulté du « biais de confirmation ». L’esprit humain tend à retenir les expériences qui confirment ses convictions. Ainsi, une personne dont l’opinion est que la pleine lune provoque l’insomnie se souvient qu’elle est éveillée une nuit de pleine lune et oublie qu’elle a mal dormi une autre nuit. Lorsque cette opinion est fondée sur l’autorité d’une tradition, on parlera de croyance. Une croyance n’est pas nécessairement religieuse. Il existe par exemple des croyances économiques. Notre opinion sur la réalité est selon l’expression de David Hume le produit d’une sédimentation de nos habitudes.

Parmi les méthodes scientifiques actuelles, la méthode hypothético-déductive, introduit un renversement de perspective. Karl Popper, philosophe des sciences du XXème siècle met l’accent sur l’idée de réfutabilité qui permet de distinguer sciences et pseudosciences. Il s’agit de tenter de réfuter par l’expérimentation les lois existantes ou les nouvelles hypothèses énoncées. La science progresse par dépassement, démolition et reconstruction.

Des choix sont à opérer dans l’orientation d’une recherche, le dosage entre la confiance  aux lois admises et de leur critique, la part de nouveauté, le degré de précision des nouvelles connaissances élaborées. La science de qualité prend des risques. Mais une découverte scientifique intervient parfois de manière inattendue dans le cadre d’une recherche sur un autre sujet.

La validation des résultats repose sur leur reproductibilité.

Discussion

La diffusion sur les réseaux sociaux de fausses informations et de théories du complot : On observe un lien fréquent entre défaut d’esprit critique, et complotisme.

La réfutation de publications complotistes sur les réseaux sociaux a pour effet de les rendre plus visibles. Pour certaines personnes, les réfutations ont pour résultat de les conforter dans leurs convictions.

Les fausses nouvelles montrent l’intérêt de vérifier les informations que l’on voit.

Observateur et observé : La physique quantique montre des situations dans lesquelles l’observation modifie ce qui est observé. Le même phénomène se produit dans les sciences sociales.

La démarche scientifique met en œuvre un système comprenant l’observateur, l’observé, la méthode et les instruments d’observation, le paradigme (le système de lois de référence).

La corruption et les conflits d’intérêts : De puissants intérêts financiers sont à l’œuvre, particulièrement dans certains domaines de recherche comme la biomédecine ou les études sur les produits dangereux.

On observe des cas de distorsion des résultats publiés ou d’utilisation biaisée de résultats scientifiquement valides.

L’institution dans le monde de la recherche : La recherche n’est plus guère aujourd’hui le fait d’individus isolés fortunés, ou se livrant à la recherche à côté d’une autre activité rémunérée, du fait de la création d’institutions (comme l’école polytechnique en 1794), de la complexification des sujets de recherche appelant un fonctionnement plus collectif et des modalités de financement.

La personnalité des chercheurs :

On ne peut établir de portrait-type du chercheur du point de vue de la créativité et de la culture générale. La biographie de certains chercheurs montre une proximité entre génie et folie.

Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche : Cette formule du Général de Gaulle lors d’une visite du CNRS exprime l’attente de découvertes rapidement applicables.

Des découvertes ont des applications à distance. Ainsi, la théorie de la relativité a permis la mise en œuvre du GPS  dans les années 1990.

Faut-il arrêter la science ? Les effets pervers des inventions ne conduiraient-ils pas à souhaiter considérer que l’on en sait assez ?

Outre le fait qu’il serait illusoire de vouloir endiguer l’inventivité humaine, toute novation a des effets positifs et négatifs.  La décision d’interdire la science n’échapperait pas à cette règle.

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